Alexandre de la Salle
Extrait du catalogue de l’exposition
« Abstractions Géométriques » – 1986
François Decq part, il y a quelques années, de cette abstraction qu’on dit lyrique.
Le geste, croit-on, enfante la liberté. En fait, il éprouve un sentiment de plus en plus fort d’esclavage, comme s’il s’était laissé piéger par le monde tout fait de la nature.
Il va passer brusquement à l’abstraction géométrique. Le paradoxe n’est qu’apparent : c’est en se donnant un arsenal de règles impérieuses, en leur obéissant, qu’il va accéder à la liberté. En délimitant un territoire personnel, en l’explorant, en le maîtrisant, en mettant à jour ses structures profondes. Cercles, carrés, triangles, courbes et droites, ces figures fondamentales qu’appréciait le Socrate du Philèbe, surgissent ici. Non pour ce qu’elles sont en soi uniquement, mais plus encore pour leurs rencontres, et les échos que, sans fin, elles suscitent.
Leur agencement sévère et allègre permet à François Decq, par-delà cette cohérence justement, d’exprimer son appartenance à un monde qu’il fait basculer vers la culture, vers cette forme de liberté qui nous permet d’organiser notre dépendance première, et de la dépasser.
Participant au mouvement MADI, il sort à son tour du rectangle pour, de la surface peinte, ne retenir parfois que la forme qui s’y déployait, et qui, libérée, s’amarrera directement sur le mur.
Ainsi François Decq pose à nouveau le problème de la relation ambigüe peinture-objet. Sortie de l’image peinte, la forme sur le mur, se transforme en objet, et de ce fait, cesse d’être une image, l’objet étant lui-même sa propre image.
Cette mutation de la forme entraîne une véritable métamorphose dans le traitement de la couleur. A la nébuleuse des tons proches, aux passages délicats des nuances, aux subtiles superpositions et transparences, succèdent l’euphorie des grands aplats éclatants, et une incroyable jubilation colorée.
Peintre de l’équilibre, de l’harmonie, les œuvres de François Decq sont d’un même élan peinture, objets-reliefs, et même parfois, au terme d’une allusive et ironique alchimie, faux objets du monde industriel, sorte d’écho purifié du Pop-Art.
Alexandre de la Salle – 1986
Extrait du catalogue de l’exposition « De l’Image à l’Objet » – 1989
La marionnette qu’il avait abandonnée inerte, le soir dans son atelier, au petit matin, le vieux Gepetto la retrouve vivante et animée.
Le même jeu farceur s’est introduit dans l’œuvre de François Decq.
Par glissements imperceptibles, par dérobades successives, trop à l’étroit sur l’espace clot de la toile, les formes chrysalides ont pris leur envol, et, comme d’immenses coléoptères ou de mystérieux cerf-volants, elles sont venues se poser sur le mur, pour y laisser trace d’un signe solaire.
A conjuguer tour à tour forme et spatialité de la surface peinte, le travail de François Decq s’inscrit dans la grande tradition de l’art abstrait construit, celle où les novateurs ne font pas forcément les pieds au mur, mais, comme les jardiniers millénaires, mariant les espèces, parviennent à faire éclore d’étonnantes proliférations.
Ici d’une maitrise technique absolue.