Alain R.
Extrait de lettre – 1985
D’un collectionneur à son ami peintre …
» Tu crées des formes, tu délimites ton espace et tu tailles en pures spatialités des plans précis de couleur franche. Tu as purifié, nivelé, découpé, organisé la chaude qualité plastique d’un espace intime, haussé vers un intouchable absolu formel.
Par les découpes originales de l’oeuvre et les dégradés illusionnants du « dedans », tu viens te raccorder à l’espace du « dehors », le réel espace qui contient la toile elle-même ; notre espace.
Ton travail est dans cette tension entre les deux termes et naturellement il apparaît tout de suite que l’espace intime est vidé de ses déterminantes affectives, de ses phantasmes, et que la pureté de ce travail t’empêche d’y indure des éléments du réel.
Il est pure intériorité, au sens ou le définissait Mondrian.
Ta peinture a son sens sur le mur blanc, dans le vide, devant cette méditerranée pendue à ton balcon, toute bleue, et le ciel pur, tout bleu. Elle est dans l’espace comme l’huitre dans l’Océan ; elle forme une perle de lumière, souvenir de la couleur intérieure avec l’espace extérieur, comme la perle raconte encore dans ses transparences, l’union du ciel et de la mer.
Imagine-t-on une belle perle avec un défaut ?
De même ta peinture, qui est une quête de perfection. Mais la perle est une tumeur de l’huitre. Une défense, par laquelle le corps étranger est enrobé, dissout dans des couches successives. De même tes inquiétudes, tes tensions, tes humeurs, enrobent une réalité composite, vulgaire, dépareillée, et la figent, par des couches successives de rêves et de réflexions, jusqu’à ce qu’elle se métamorphose en une perle plastique pure, qu’on suspend au mur lisse et vierge. »
A. R. – 1985